Réemploi des matériaux : ou comment survivre dans un monde qui jette tout

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Le rebut comme point de départ

Le chantier débute toujours de la même façon : on casse, on démonte, on vire. Et vite. Trop vite. Des tonnes de matériaux, encore solides, encore utiles, partent à la benne avec la désinvolture d’un joueur de poker qui jette une main moyenne. Des tomettes centenaires, des charnières en laiton, des planches en pin qui ont déjà vécu trois vies. On jette. Parce que c’est plus rapide. Parce que c’est "propre". Parce que recycler demande du temps, du doigté, du courage.

Et pourtant. Derrière ce réflexe bête de table rase, il y a une autre manière de faire. Moins rentable à court terme. Moins brillante à l’œil nu. Mais infiniment plus belle, plus sensée. Celle du réemploi.

Le réemploi, ce n’est pas du bricolage

Le grand malentendu, c’est de croire que le réemploi est une rustine de pauvres. Un plan B pour écolo fauché. Faux. Le réemploi, quand il est maîtrisé, devient un acte d’architecture à part entière. Une esthétique. Un langage. Une éthique.

Réutiliser, ce n’est pas coller trois bouts de bois trouvés sur un trottoir. C’est observer, démonter avec méthode, stocker avec soin, et réinventer. Ce plan de travail en hêtre massif qu’on a récupéré dans une cuisine des années 80 ? Il devient un banc d’entrée. Ces carreaux métro usés ? Une crédence à l’histoire. Ce miroir piqué ? Un panneau de salle de bain avec âme.

Tout est là : transformer une matière chargée d’usure en objet de désir. Et ce n’est pas donné à tout le monde.

Le temps long comme ennemi

Évidemment, ce n’est pas fluide. Ce n’est pas carré. Réemployer, c’est travailler à contre‑courant du BTP moderne. C’est désapprendre la rapidité, désobéir à l’appel du tout neuf, tout droit, tout standardisé.

Il faut du temps. Du tri. De l’espace. De la mémoire. Il faut se souvenir qu’on a gardé, l’an dernier, cette porte en chêne au format bâtard qu’on pourrait peut‑être adapter ici. Il faut avoir des contacts : déconstructeurs, ressourceries, chantiers participatifs. Il faut aimer fouiller, farfouiller, imaginer.

Et surtout : il faut aimer l’imprévu. Parce que rien ne rentre jamais comme prévu. Un carreau sur deux est ébréché. Une poutre trop courte. Une plaque de verre rayée. C’est une gymnastique mentale, physique et parfois nerveuse. Mais qui a dit que créer était confortable ?

Quelques exemples ? En veux‑tu, en voilà

Un sol en parquet massif démonté sans le casser. Ponçage, huilage, repose en chevron. Résultat : un salon de 2025 qui a du caractère, sans poser une seule latte neuve.

Une ancienne fenêtre à petits carreaux transformée en séparation intérieure. Un peu de ferronnerie, une patine, et voilà un atelier dans un deux‑pièces.

Des tuiles canal en terre cuite ? Récupérées pour habiller un muret de jardin, avec en bonus une capacité thermique passive en été.

Et ces fameuses briques rouges, qu’on ne regarde même plus ? Posées en crédence, scellées au mortier de chaux, elles deviennent tableau vivant.

Chaque matériau réemployé contient une part d’accident, de surprise, d’imprévisible. Et c’est ce qui manque cruellement à l’aménagement intérieur moderne : un peu d’imperfection. Un peu de vie.

L’économie circulaire ne se décrète pas, elle se construit

On parle partout d’économie circulaire. On colle des labels, on se donne bonne conscience. Mais la réalité, c’est que très peu de chantiers mettent réellement en œuvre une logique de réemploi. Pourquoi ? Parce que personne n’est formé. Parce que les architectes ne veulent pas composer avec des matériaux qui ne rentrent pas dans Revit. Parce que les assurances n’aiment pas les matériaux d’occasion. Parce que le devis ne prévoit pas deux jours pour démonter proprement ce qui aurait pu être sauvé.

Alors ça part. À la benne. À l’oubli. Et la matière crie en silence.

Ce que ça change, pour de vrai

Réemployer, ce n’est pas sauver la planète. C’est refuser de la piétiner sans réfléchir. C’est réduire, concrètement, les émissions liées à l’extraction, au transport, à la transformation. C’est refuser cette fuite en avant du "toujours plus neuf pour avoir l’air plus neuf". C’est faire un pas de côté, et redonner une seconde chance à la matière.

Et surtout, c’est redonner du sens à notre métier. Ce mur, ce plan de travail, cette cloison… ils racontent quelque chose. Une histoire. Une filiation. Un effort. Et cela vaut bien quelques centimètres de jeu à rattraper.

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